Roman Magazines
Orsay Festivités estivales Maman
Quel été AK47-Uzi Vernissage
Fantasme Parabole des
talents Modernité Un jour
Incendie Longtemps après L’ennui photographique Dans
la froidure et le mordant de mars Poussière
Fracas Avant le départ Voltaire
Clarté Succès
Un soir Max Jacob rencontra Jésus Christ en personne, au milieu de la foule d’un cinéma où l’on projetait Les aventures de Fantômas.
Alberto Savinio,
Souvenirs
Passe à travers moi une lumière dont je ne suis pas la source.
Cardinal Henri de Lubac
Roman
La chrétienté, les
primitifs, les clochers romans au milieu des champs de blé... A tout cela
adieu ! Oui mais.
A chaque fois que je pénètre dans une église romane
je deviens un homme nu. Les animaux le sont, nus, vrais, dans l'instant.
Je dois trouver du pognon
pour me barrer à Assise, et voir les églises peintes par Giotto, à force de les
voir sur internet j'en ai les yeux qui sortent comme ceux d'un loup de Tex
Avery, je n'en peux plus, faut que j'y aille.
Putain les grandes fresques de Giotto, leur
couleur, leur format, tout, pour moi c'est le top absolu.
Avec les Ménines.
Magazines
Les magazines artistiques ne sont bons que pour se
torcher le cul, mais comme c'est du papier glacé ils ne sont bons à rien, même
pas pour bourrer ses godasses.
L’œil peut-être, il y a 50 ans, le papier n’était pas
glacé.
Et pourtant, un bon poulet des Landes, bien gras,
vous lui truffez le cul de bonnes herbes, avec du beurre aussi, beaucoup de
beurre, 2 ou 3 gousses d'ail, et vous vous régalez, il n'y a rien de meilleur.
Erreur fatale : celle de s’y rendre. N'espérez
aucun récit, aucune description, aucune anecdote sur les souffrances que j'y ai
endurées, les horreurs que j'y ai vues, ce mastaba Giscardien est
indescriptible. J'ai pris de l'aspirine en rentrant. Là je suis en train de me
décomposer une bouillotte sur la tronche. Je ne peux plus, ce n'est plus
possible ce genre d'endroit, ce genre de pays, ce genre de système, d'ambiance,
ce tourisme qui nous tuera tous. Comprenne qui pourra.
Putain je
vais crever. Il est arrivé d'un coup. Seul dans la pénombre je suis comme en
taule. Il ne se passe rien. En bas, dans le froid, les traces de vomi de cette
nuit commencent à durcir, les bris de verre des bouteilles de pinard et de
bière cassés jonchent les trottoirs, un vague soleil hypocrite nargue une
gouttière, dans peu de temps ils reviendront, les hirsutes vont commencer leur
nuit, leur joies, celles de hurler, de tout casser, jusqu'au bout, comme on
leur a appris.
Festivités estivales
L'été arrive, la chaleur étouffante, les shorts
gueulards, les enfants rois hurlant « Je
veux une glace ! », ces journées qui n'en finissent plus, et puis
la fête de la musique, juste avant, qui me donne envie de crucifier Jack Lang.
Heureusement ne tardent pas à venir les jours qui raccourcissent, tout finit
par arriver.
Sur Paris à cette heure brille un pâle soleil si
incongru qu'il en devient vulgaire, éclairant de façon impudique les allongés
dans leurs vomis, les cohortes d'hirsutes africains nonchalants entourés de
morveux braillards, ce soleil renforce même l’affreux vacarme des skateboard
des futurs chômeurs, arrogants alter mondialistes habillés en fakirs aux yeux
injectés de hachich, et surtout ces rayons brûlants font cuire les flaques de
merde et les étrons séchant sur les trottoirs, les reliefs de fast food jetés au sol par des
collégiens hurleurs, la chaleur intense n'aide pas les croûtes formées par les
chewing gum à se résorber, ni les flaques de bière de la veille à sécher sans
dégager des relents écœurants , aveuglé on bute souvent sur les canettes au
risque de tomber en voulant éviter les courses folles des chiens crasseux des
punks vautrés avec les sdf devant le supermarché.
La Foire de Bâle sera le pic
absolu, le Disneyland final de cette période pré-estivale.
J’ai perdu 12 de mes proches en 5
ans, c'est beaucoup, et maintenant je ne demande plus qu'une chose c'est un
p'tit coin de campagne, des lapins (j'aime bien les regarder manger), une
chaise longue... des bouquins, des toiles...
Maman
Maman
La boite de couleurs à l’huile
Lefranc Bourgeois a 50 ans, c’est celle de maman, qui avait cessé de peindre.
Les tubes sont endommagés et il m’a fallu les recouvrir de ruban adhésif pour
les maintenir. Les appellations des couleurs, qui m’ont toujours beaucoup plu,
comme par exemple le carmin de garance, dont je me dis qu’il a appartenu à
Arletty dans Les enfants du paradis,
ou alors l’ocre jaune que j’écris par mégarde « ogre jaune » et qui
nous envoie en tapis volant vers la Chine impériale, les ors, les rouges, les
décors, les tuiles vernissées verte des bords de toits de la Cité impériale.
Quant au vert anglais N° 5 il
m’évoque ces détestables séries de tanks britanniques qui cumulaient les
catégories, et pouvant se nommer « Mark 1 », série 4, version x, tout
en s’appelant « machins numéro 30 » mais avec option numéro a…
Quel été
Quel été
J'ai morflé. 2 opérations. Revenant à Paris, vers
17h quand il fait déjà noir et que l'on a envie de se flinguer, je rencontre EF et JLR, le
collectionneur, place Saint Germain des Prés. On boit 1 coup, on rigole.
Puis JLR
nous dit : « Vous ne savez pas : Bustamante a été nommé directeur de
l'ENSBA ! »
Moi je dis : « Ca alors... mais je le suis
depuis 30 ans, c'est un copain, il aime mon travail... il a même chez lui une
de mes photographies. Et si on allait lui dire bonjour, puisqu'on
le connait tous les 3 ? »
Nous descendons l'enfer de la rue Bonaparte et on
se pointe sur le quai Malaquais : « Bonsoir on vient voir Jean-Marc
Bustamante, est-ce qu'il est là ? »
On nous répond : « Allez voir son
secrétariat... »
Porte dérobée : « Bonsoir est-ce que Jean-Marc
est là ? On est des copains. »
La secrétaire ne se démonte pas et nous dit courtoisement
: « Je vais aller le voir... »
Elle revient peu après : « Voilà il vous
reçoit maintenant. »
Jean-Marc apparaît immense et radieux, dans
l'encadrement de la porte de 3 mètres de haut vu qu'on est sous les lambris de
la République : « Ah ! bonjour ! Entrez donc… »
Dans un bureau aussi grand que celui de la
chancellerie de Berlin en 1939, avec canapés, tableaux, plafonds décorés,
donnant sur les jardins nous nous asseyons, un peu impressionnés par la
solennité du lieu.
Jean-Marc est très content de nous voir et nous
raconte son arrivée ici, sa nomination, on bavarde, on papote, tout se passe
très bien.
Et puis tout à coup devenu sérieux il se tourne
vers moi et dit : « Alors Didier, tes photos... comment ça va ? »
- « Bof, c'est plutôt facile les photos,
mais je continue... je travaille dur »
Je commence à bafouiller mais Jean-Marc qui avait
une idée derrière la tête me coupe la parole
et envoie tout de go : « Cela fait longtemps que je voudrais
faire quelque chose avec ton travail.... mais je ne sais pas ce qui serait le
mieux, une exposition, un livre, les deux ? Dans une galerie peut-être, comment
aborder les choses ? »
Je réponds aussitôt : « Ben dépêche-toi
parce que sinon je vais crever inconnu... »
Lui, très compréhensif : « Hum... oui... il
faudrait savoir comment présenter tout ça, je regarde tes sites internet et
vraiment je suis cela de très près tu sais, mais je voudrais savoir comment toi
tu préfèrerais montrer ton travail, il faut que tu sois vu et connu. »
- « Ben... un livre serait idéal, avec une
exposition. »
Jean-Marc réplique : « D'accord, viens voir
les livres que nous publions. » et m'emmène vers une bibliothèque où se
trouvent tous les livres publiés par l'ENSBA, des fins, des gros, tout ce que
l'on peut désirer, et je dis en regardant le plus petit : « Pas celui
là il ne me plaît pas, par contre celui-là... (en montrant le plus gros) »
Jean-Marc, répond : « Très bien, on va s'en
occuper, on prend rendez-vous et on se met au travail d'accord ? »
EF et JLR me
regardent avec des airs satisfaits, la secrétaire pointe son minois et annonce
: « Monsieur Bustamante, vôtre prochain rendez-vous est arrivé. »
Il est temps de partir, on se salue et en me
serrant cordialement la main et Jean-Marc insiste : « Prends bien
rendez vous avec ma secrétaire, on se voit bientôt. »
On est sorti sur un tapis volant. Du coup JLR nous a offert le champagne au bar de
l'Hôtel des Beaux Arts.
AK47-Uzi
Les réactions aux attentats : cortèges de
pleureuses, pseudo-liturgie victimale et lacrymale, tous hagards, vaincus. On
ne voit aucun visage fermé, pas de tête haute, de yeux durcis, de silences
éloquents, d'attitude martiale, rien, rien qu'une jeunesse molle, victime en
puissance, et l'ennemi l'a parfaitement compris, tout se déroule comme ils
l'ont prévu en attaquant un peuple de brebis.
C’est curieux, tout à coup, subitement, le flux des
véhicules vient de s’interrompre et un ami a surgit : le silence. Et tout
à coup, subitement, c’est la paix retrouvée, un état de grâce…
Vernissage
Che cosa dire ? Che cosa non dire ? Si deve ridere
? Un po ? Sopra tutto mai ? Essere serioso ? Profundo ? Divertente ? Apparire
come una persona importante o un uomo modesto ? Far sentire alla piu bella
donna che voglio uscire subittamente con lei per essere da solo in un ristorante
? O far sentire al galerista omossesuale (come tutti) che possiamo essere amici
? Parlare de cose intelligenti, di cultura o apparire come uno che non rispetta
niente, un vero ribelle (i milliardari adorano i ribelli) ? Essere vestito come
un adolescente con le calze sopra le natiche o arrivare col bel vestito,
belle scarpe, cravata di sette ? Essere in gamba o apparire completamente
depressivo (il romantismo) ? Essere un cane o un leone ? Un serpente o un luppo
? Essere sincero o un monumento de ipocrisia ? Dire la verita o fare capire che
no me ne frega la veria, me interessa sola arrivare ?
Fantasme
L'avenir voilà le fantasme. Le devoir d’être
désormais transparent en toute chose.
Un homme totalement libre de faire ce qu'il veut, émancipé, heureux selon des
critères imposés et obligatoires, selon les canons et les règles de ceux qui
veulent notre bien. Tout sera réglé, prévu, contrôlé, nos urines en temps réel,
pour notre bien. Notre vie, sa durée, nos idées, nos rêves, seront optimisés,
prévus, pour notre bien. Nos dépenses, on le voit avec les publicités qui
précèdent nos goûts, les connaissent, les anticipent, seront programmées elles
aussi en temps et en heure. Pour notre bien. Et notre mort ? Peut-être sera
t'elle programmée aussi. Pour notre bien.
Celui
qui ne fait pas fructifier ce qu’il a reçu du Seigneur sera jeté dans les
ténèbres. Qu’as-tu fait de ton talent ?
La lumière se fait peu à peu sur mon voyage en
Westphalie lorsque j’étais étudiant.
Hanté par la figure de Joseph Beuys, auquel je
m’identifiais, et marqué au plus profond par la vie de mon père je voulais voir
le lieu de sa déportation : la forteresse d’Anrath. M’y étant rendu seul
par le train j’avais marché longtemps le long du Rhin sous des ciels plombés. La
forteresse, devenue QHS pour les longues peines, était imposante. Dring…
Curieusement la porte s’est ouverte, j’ai demandé
une audience en expliquant les raisons de ma visite. Un prêtre m’a accueilli
quelques minutes plus tard et m’a guidé vers une petite pièce pour un
entretien. Mon récit s’est vite transformé en dialogue et je ne me souviens
plus exactement pourquoi j’en suis venu à interroger le prêtre sur le
Saint-Esprit.
La rencontre avec Jean-Pierre Raynaud, chez lui,
m’avait beaucoup marqué, ainsi que les vitraux de l’abbaye de Noirlac ainsi que
la vie de saint Bernard de Clairvaux parcourue dans la foulée.
Le prêtre était dans l’embarras pour me répondre et
m’a signifié que je le questionnais là sur un sujet complexe. Ce prêtre tout
entier dévoué à la pastorale dans ce lieu sinistre voué aux épreuves et à
l’expiation n’était sans doute pas théologien.
François Varillon : « Un cri d’amour vers le père et le fils ».
Toute une vie est nécessaire pour se rapprocher de
son Père…
Modernité
Exercice quotidien : changer de place aux terrasses de café pour
éviter les hurlements des « Allô
t'es où ? », les révélations dans les mobiles des détails les plus
intimes, les mères tatouées fumant et téléphonant en mettant leur poussette
tout contre vous, l'enfant se mettant à hurler après 1 minute montre en main,
les jeunes hurleurs aux tympans détruits par la sono.
Sans oublier les trajets supplémentaires pour contourner les
zones où je sais que je vais devoir enjamber des punks hurleurs, des roumains
allongés, où je vais devoir slalomer entre les flaques de vomis, les
immondices, les flaques d'urine et souvent les excréments de la veille, car
j'habite un quartier où comme le dit madame Hidalgo : « La fête et le vivre ensemble existent. »
Les détours aussi pour éviter les groupes de jeunes hurleurs, arrogants,
bloquant les trottoirs, les portes, faisant tout pour détruire toute début
d'harmonie dans le capharnaüm urbain parisien, détours aussi, pour ne pas céder
aux scooters roulant sur les trottoirs, suivis
à contre sens par les rollers dans un vacarme d'Airbus au décollage, les
pétasses roulant en Vélib sur aussi les trottoirs avec des airs de princesses
en exil, dans tous les sens.
Un jour
Tous,
hommes et femmes sont frères et sœurs et marchent vers un avenir radieux, sans
races, dans une parfaite égalité, circulant en toute liberté, épanouis, heureux,
libérés de leurs tabous, la religion catholique surtout, cette peste rétrograde
qui nous fait perdre 2000 ans. La diversité culturelle sera un grand jardin
bien plus beau que l'ancien paradis, les enfants joueront avec des équerres et
des compas, pour s'initier à leurs futures épreuves d'entrée dans la Cité Radieuse, la biologie distribuera
au millionième de milliardième de milligramme près les doses de compensation à
d'éventuels petits problèmes de santé ou de mauvaise humeur. Plus de lundi,
plus de dimanche, tous magnifiques, la chirurgie plastique sera administrée en
pilules. Epanoui, heureux, le Nouvel Homme,
maître de la Connaissance pour marcher vers la Lumière. Attention aux
récalcitrants…
Incendie
Quand je vois un artiste je sors mon calibre, ma hache
d'incendie, le canon de 75, le lance merde, je mets l'huile à bouillir, la glue
en tonneaux, les poisons en flacons. Ils se multiplient comme des blattes, la
moindre institutrice à la retraite se veut créatrice. Le chômage ? Voici
que pullulent les ateliers d'artistes. Ils sont assommants, Uderzo avait pigé
ça… Beuys l’avait prédit ! Warhol l’a prévu, vous aussi vous serez célèbre. Les
idées, on vous les fournit avec l'attirail, vendues avec le PC, avec les
pinceaux ! Soyez écrivaineu, allez-y
c'est facile, quelques efforts et vous le chierez votre roman, le récit de vos
premiers orgasmes ratés, des petits secrets de famille, des petits et grands
ratages de vos divorces, de vos aveuglements, le récit de votre ignorance
érigée en majesté.
Après des années de deuils, de fatigues, de voyages aussi,
cours mais riches d’annotations, de doutes qui rongent jusqu’aux os, me voici
serein pour un instant. C’est qu’il fait frais et que règne une sorte de calme
inhabituel pour l’époque. Malgré les vas et vient la rue est paisible, j’ai
tout le loisir de reprendre la plume en suçotant ma pipe. Une attitude
anachronique et salvatrice. Survivre désormais est affaire de révolte
intérieure, d’imaginaire, d’invention, en remontant à contre courant. Le flot
est hostile, tout nous mène vers la conformité. Ma table est dégagée, la
lumière est douce à cette heure. Ces instants n’ont pas de prix.
Les anachorètes d’Egypte, Pères du Désert, ont cultivé
l’immobilité, la tempérance, le contrôle des fonctions organiques. Notre
cerveau ne connait pas l’immobilité, notre corps se transforme, palpite, c’est
un subterfuge, une géniale ruse de Sioux, une condition humaine basée sur le mouvement. Ceux-là ont su cultiver le génie de
la contemplation et de l’immobilité alliés à une forte activité spirituelle.
Maman est morte, Yves est mort, Raymond est mort, Richard
est mort, Gianni est mort, Olivier, Marc, Vincent sont morts et c’est oublier
les autres.
Je suis vivant et songe à ce pays perdu, ce rivage de sable blanc, au parfum des posidonies, à ma peinture en sommeil, quittée depuis tant d’années. Au bois des tasseaux, aux branches ondulées qui recevront la tension des draps flasques gluants de blanc d’Espagne, de la toile brune sentant le jute et au colliers des semences d’acier, au jus ocres, jaunes, bleus, verts d’eau, noirs de pêche, roses fins, rouges vermillon clair. Fantasme de lumière, des murs d’Assise, de Padoue, de Berzé-la-Ville, frais, mats.
Je suis vivant et songe à ce pays perdu, ce rivage de sable blanc, au parfum des posidonies, à ma peinture en sommeil, quittée depuis tant d’années. Au bois des tasseaux, aux branches ondulées qui recevront la tension des draps flasques gluants de blanc d’Espagne, de la toile brune sentant le jute et au colliers des semences d’acier, au jus ocres, jaunes, bleus, verts d’eau, noirs de pêche, roses fins, rouges vermillon clair. Fantasme de lumière, des murs d’Assise, de Padoue, de Berzé-la-Ville, frais, mats.
Saint Augustin ou François ont tous deux vécus des époques
troublées, folles, incertaines, l’un aux prises avec les Manichéens, le second
avec la dégénérescence des mœurs et de la pensée.
Le XXe siècle a préparé le lit de la mort de l’Homme après
avoir tué Dieu. Le siècle actuel vend les restes, les oripeaux à petit prix,
monnaye la charogne. Angoissé, l’Homme moderne a choisi de mourir, pour faire
place à l’Homme robot Africain de préférence. Un leurre. Le suicide est
toujours un leurre.
Seuls viendront l’égout, le sordide, et la mort comme seul témoin dune éternité
perdue.
La Liberté tant invoquée, la Fraternité, l’Egalité
ressemblent au chaos, à un asile de fous, organisé par des illuminés.
Rien ne nouveau, jamais. Le goût de la mort et du suicide, vrillé
dans les esprits Européens.
Bien que ce ne soit pas lieu, un seul clic permet d’y avoir accès, citons pourtant cher lecteur ce poème
d’Arthur Rimbaud, qui semble contenir en substance à la fois la menace et un
espoir de rédemption :
Elle est retrouvée.
Quoi ? – L’Eternité.
C’est la mer allée
Avec le soleil.
Quoi ? – L’Eternité.
C’est la mer allée
Avec le soleil.
Ame sentinelle,
Murmurons l’aveu
De la nuit si nulle
Et du jour en feu.
Murmurons l’aveu
De la nuit si nulle
Et du jour en feu.
Des humains suffrages,
Des communs élans
Là tu te dégages
Et voles selon.
Des communs élans
Là tu te dégages
Et voles selon.
Puisque de vous seules,
Braises de satin,
Le Devoir s’exhale
Sans qu’on dise : enfin.
Braises de satin,
Le Devoir s’exhale
Sans qu’on dise : enfin.
Là pas d’espérance,
Nul orietur.
Science avec patience,
Le supplice est sûr.
Nul orietur.
Science avec patience,
Le supplice est sûr.
Elle est retrouvée.
Quoi ? – L’Eternité.
C’est la mer allée
Avec le soleil.
Quoi ? – L’Eternité.
C’est la mer allée
Avec le soleil.
Le sage se sait débiteur
(Bertrand de Jouvenel) et ma reconnaissance envers les Grands qui nous ont
précédé est totale, ils avaient tout dit, compris, nous avons oublié de les
écouter, les étudier, le passé est proscrit, suspect, le passé c’est dépassé,
l’avenir seul, un confort démultiplié nous est vendu, une promesse de Paradis,
un mensonge éhonté.
Je me sens d’Assise, de
Carrare, d’Albisola, d’Albenga.
L’ennui photographique
Capture d’instants, choses
expressives, détails signifiants, repérages poétiques ou constats objectifs,
vestiges de matière, pittoresque, témoignage, la photographie ne me convainc
pas. Il ne s’agit que de choses mortes. Elle est l’antichambre de l’esprit de
musée, qui sert à gagner de l’argent en faisant payer les entrées, mais porte
le sceau de la Mort.
On me dit photographe. Pourquoi
pas, mais je ne crois pas à cette technique, qui reste à mes yeux ébahis un
balbutiement, un théâtre d’ombres parfois utile, pas davantage qu’un simple
croquis. Le dessin est perdu, mais avec lui on a tout perdu.
Une encre de Marquet saisit le
mouvement d’un cocher ou d’un portefaix mieux qu’une image photographique,
fût-elle belle, séduisante, évidente.
Dans
la froidure et le mordant de mars
Assis tôt le matin quelque part dans Paris j’entends autour
de moi et en moi des sons et des bruits paisibles ou fracas rassurant des
rideaux de fer des boutiques qui ouvrent, quelques rares véhicules, le
roucoulement d’un pigeon sagement installé dans le store de la pharmacie, le
ronron de l’autobus, rien n’est encore agressif ni sauvage à cette heure…
Poussière
N’est
vrai que ce qui est exact. Auguste Comte
Des années de maturation, de
réflexion, de recherches assidues, de passages par les chimères, le doute, les
arcanes du savoir Magistral, un temps long fût nécessaire pour le découvrir, un
secret que je vous livre ici sans rétribution, ce secret de Polichinelle pour
les microscopiques crétins que nous sommes devait être révélé, mis à jour,
expliqué, cesser tout mystère, obtenir une évidence métaphysique, une seule,
utile, ce secret j’en suis le dépositaire mais vous le livre, c’est celui de la
Vie.
Seuls les anachorètes et les
cénobites tranquilles avaient pu jusqu’alors approcher une évidence d’une désarmante
simplicité et qui la rend quasiment ésotérique.
Manger. Se remplir par le haut
pour se vider par le bas. Voilà tout. Dormir comme un bébé sur les collines de
Ligurie.
A ceci s’ajoutent des modalités
personnelles : peindre, dessiner. Le matin à l’atelier, l’après midi aux
terrasses pour s’occuper du basilic et des courgettes.
Prier. Recommencer.
Fracas
Tonnerre
ici dans l'Ouest ! On patauge. Rentré hier en nage, douche sous le tuyau
d'arrosage dans le jardin ! Et la pluie diluvienne ! Il fait sombre. Finies les
chaleurs, les cuissons matinales, les vapeurs de parturiente, les anis étoilés,
quand viennent avec fracas les mélancolies automnales.
Je
suis allé au dancing, je les rends folles... c'était du James Ensor.
Chance
d'observer quelques génies de la tarentelle. Une manière remontée du fond des
âges ! On ne peut parler de technique ce serait barbare : non, il s'agit là de
tradition portée à son comble son firmament, la joie du souvenir des fêtes des
moissons en Italie, l'enfance qui anime le corps comme une marionnette,
mécanique huilée, avec beaucoup, beaucoup de fantaisie et d'invention !
Ce qui est génial c'est que François, le meilleur
taxi boy a du bide. Il est grand mais il a du bide, et comme il est génial,
totalement génial, il s'en sert au lieu de le cacher : d'un total naturel, il
ne cache rien, jouit de tout ses atouts et le bide avec lui en est un, il lui
sert de lestage, sa science de l'équilibre et de la cavalière fait qu'il
maintient son assiette en fonction de ce centre vital bedonnant, cela lui permet
des figures originales. Des bras immenses dont il joue en tous sens comme Shiva,
gestes très fantaisistes, une main agitée
haut comme une girouette au dessus des têtes, ses bras donc s'animent en
mouvements pendulaires autour de ce centre vital bien lesté. Ses cavalières se
déploient elles aussi autour du même centre, les directions des membres et du
tronc sont souvent verticales, il monte et descend, jusqu'à s'accroupir pour
mieux repartir. C'est un génie.
Frotter, astiquer, shampoing, dents au papier de
verre et bicarbonate de soude, je lâche le plus de gaz possible, délestage donc,
rasage, parfum Paco Rabanne,
chaussures Repetto, pantalon
extensible pour les moulinets, polo ultra léger noir pour les bourrelets, œil
vif et positif, du machin sous les bras, les pastilles Alibi à l'eucalyptus, la vitamine « C » pour péter la
forme, le cul propre, l'estomac léger, enfin prêt.
Foncer ensuite sur les chapeaux de roues au Capitole et faire une entrée fracassante
: descente des 3 marches de l'entrée dans l'arène sans bavure aucune, démarche Aldo vers la table réservée, serviette
éponge noire sur l'épaule, un regard circulaire pour détecter le cheptel…
J'attaque un tango les yeux dans le vague,
mystérieux dans la pénombre, déhanché ad hoc, puis tel un guépard rentrant du
boulot, je retourne m'éponger le front à ma table...
François 1e ou le pape des taxi-boys à
16 soupapes. Michel-Ange de la tarentelle, Léonard du paso-doble, mieux :
le général de Gaulle du Rock’n Roll.
Je lui explique qu'il est mon modèle, que j'écris
des trucs sur lui, il trouve ça sympa, il m'encourage.
Lucifer est aussi Pharaon, Dieu de la danse sans
jamais faire aucun foin, au Capitole il fait de l’or : sans moustache et
sans éternuer c’est à Nietzsche qu’il verse son bac-chiche.
Le mec de l'accueil, qui est aussi videur, mesure
2m20, pèse 130 kg,
est un ancien gendarme motocycliste spécialiste des Arts martiaux, prénommé
Nounours, en général accompagné d'un chien qui pèse autant, avec une mine extrêmement
patibulaire.
Lire Stendhal c’est être heureux, mais danser c’est
l’être aussi.
Je n'aime pourtant guère sortir le soir, me
couchant vers 21 h avec boules Quiès,
casque de tir, bonbons Ricola,
sodokus, fusil à portée de main, bouillote, bougie, mitaines, bonnet de nuit…
Il reste les après-midi.
Etre dans une situation et en être le témoin et le
mémorialiste, ou en tant que peintre, jouir d'un paysage ou d'un beau modèle et
le dessiner et le peindre dans la foulée. Voilà qui est merveilleux. Ecrire avec
des mots simples, sans fioriture mais avec goût et non sans recherche ce que
l'on voit et entend, voilà le plus bel exercice !
Au Capitole
il m'est arrivé d'écrire, et aussi de compléter sans cesse la liste et les
portraits succins des personnes que j’y rencontre.
Voltaire
Notre
professeur de littérature chez les bons pères maristes, nous enseignait Voltaire,
son sosie. Ce prêtre était merveilleux, il nous a donné la passion de la
littérature, il sautait en l'air d'enthousiasme en parlant d'un auteur, d'un
texte. Son studio était tapissé de livres du sol au plafond, dans toutes les
pièces, c'était impressionnant, il était lyonnais, avait fait de belles actions
dans la résistance, et écrivait des romans policiers sous un pseudonyme.
Cette
année aura été marquée par la lecture studieuse (et ardue) d’Etienne Gilson.
Après Jacques Le Goff et Ernst Jünger, en quelques mois, Jünger converti au
catholicisme à 90 ans passés…
Mais
Gilson est de taille, une pierre de taille, c’st une clé, une porte vers
Saint-Thomas, mais à lui seul il est une île, un territoire, un monde. Et
quelle trogne ! Gilson le géant.
Clarté
Les
choses arrivent en même temps, la peine que l’on se donne ouvre sur des
clairières, des plaines, des horizons.
Gilbert
Keith Chesterton et son Saint Thomas
du Créateur certifié chef-d’œuvre par Etienne Gilson, le père Martin
Stanislas Gillet (maître de l’ordre des Prêcheurs) et le père Joseph de
Tonquédec (jésuite) ou encore George Bernard Shaw est arrivé en parallèle,
comme un boulet de canon…
Saint
Thomas d’Aquin, l’Aquinate, le bœuf muet, le tonneau ambulant avait le don de
concentration des hommes d’action, pas l’esprit d’un mystique.
Saint
François et saint Thomas ont rechristianisé la chrétienté et si la Nature fût
l’outil de saint François, Aristote fût celui de saint Thomas.
Chesterton
au tournant du XXe siècle avait compris la bouffonnerie progressiste qui nous
ronge…
Ces
lectures assidues, dans le prolongement des primitifs italiens et de l’Art
roman, qui m’occupent depuis des années, ont changé ma vie.
Et je
ne mesure par encore les conséquences de ces découvertes, encore surpris de les
avoir assimilées.
On
n’échappe pas à soi-même. La passion pour les armes, surtout celles du XXe
siècle, pour les mécanismes et pour l’Histoire contemporaine pèsent lourd aussi
sur le rythme de mes occupations.
Abel
Gance : « Je ne saisi pas le
mouvement mais l’instant de ce qui demeure. »
Je
cherche la crypte sous l’édifice, la clé sous la porte, il me faut aller vite
au vif du sujet, entrer dans la matière…
Une
chance : celle d’entrer dans un livre tout nu, avec les yeux de l’enfance,
avec un regard vierge, comme si je venais d’apprendre à lire, à déchiffrer les
caractères et rester concentré. L’instant de la rencontre est décisif, on ne
rencontre que ce que l’on connait déjà.
Succès
Chaque
jour m’enfonce un peu plus dans une forêt vierge aussi inextricable que
merveilleuse. Loin du succès et de toute réussite sociale, d’entrées d’argent
et de projets susceptibles d’y remédier, une certaine euphorie se dégage de la
situation, une sorte de paix, de liberté pour avancer en dépit des aléas, celle
de n’avoir aucun compte à rendre.
Il y a
trois crises à traiter : celle de la Grèce, celle de la graisse et celle
de la Grâce…